«Communautés en résistance» – l’Assemblée générale de la CPR-Sierra

«Communautés en résistance» - l’assemblée générale de la CPR-Sierra.

Par Michael Kohli

Deuxième texte de la série « Récits d’observateurs·trices des droits humains – rétrospective » pour les 20 ans de PWS  
Michael Kohli était en mission au Guatemala d’octobre 2018 à avril 2019. Il était accompagnateur des droits humains pour ACOGUATE, l’organisation partenaire de PWS au Guatemala. Michael a étudié la psychologie et les sciences politiques. Il travaille actuellement comme coursier à vélo à Zurich et continue à soutenir les défenseur·e·s des droits humains au Guatemala au sein du comité du Guatemala-Netz Zürich.

L’un des souvenirs les plus marquants de ma mission au Guatemala est l’Assemblée générale de la CPR-Sierra, qui s’est tenue près de Chajul, dans le nord-ouest du pays. CPR est l’acronyme de Comunidades de Población en Resistencia, qui se sont formées pendant le conflit armé interne au Guatemala. Ces « communautés en résistance » ont été persécutées par les forces gouvernementales car elles étaient considérées comme des lieux propices pour la guérilla. Les communautés, majoritairement autochtones, ont parfois dû se cacher pendant des mois ou des années dans des conditions extrêmement difficiles.

Le travail d’accompagnement des droits humains au Guatemala :
En tant que membre du consortium international ACOGUATE : accompagnement protecteur de défenseur·e·s des droits humains et de témoins dans des procès pour la défense des droits humains ainsi que de communautés défendant leurs terres et la protection des ressources naturelles.

Je me souviens bien du voyage quelque peu ardu à l’aller et du voyage de retour plutôt épuisant, pendant lequel nous étions maintenus éveillés dans le bus par de la musique rock chrétienne, vidéo comprise. Il faut dire que le voyage de retour avait commencé vers 2 heures du matin et que, par conséquent, tous les passagers et passagères auraient volontiers fait le trajet sans musique.

Assemblée générale de la CPR-Sierra. Photo : PWS/Acoguate 2019

Pour se souvenir et unir ses forces

En dehors de ces événements qui font partie de la vie des accompagnateurs·trices des droits humains, je me souviens très bien de ce sentiment de tension joyeuse qui entourait la préparation et l’accompagnement à Santa Clara, Chajul. D’une part, il s’agissait de la première Assemblée générale de la CPR depuis de nombreuses années. L’Assemblée avait été convoquée car, selon la CPR, les promesses des accords de paix conclus en 1996 n’avaient pas été tenues. Les discriminations, le racisme et les inégalités flagrantes dans la répartition des terres et des richesses restent des facteurs déterminants dans la société guatémaltèque, même après la fin du conflit armé. Au Guatemala, on ne parle généralement pas de guerre civile, mais de « Conflicto armado interno », c’est-à-dire de conflit armé interne. Cela tient compte du fait que pendant les conflits armés de 1960 à 1996, il n’y avait pas deux parties égales qui se faisaient face. Il s’agissait plutôt d’une guerre menée par l’État guatémaltèque/militaire contre sa propre population et en particulier contre la population autochtone du Guatemala, contre laquelle un génocide a été perpétré. Selon la Commission de vérité du Guatemala, plus de 200’000 personnes ont été tuées pendant la guerre, 83 % des victimes étant des autochtones et 93 % des violations des droits humains ayant été commises par l’armée. Cette Assemblée n’était donc pas seulement un événement où l’on commémorait les immenses souffrances et privations de l’époque de la guerre, mais aussi une occasion pour les acteurs de la société civile de se mettre ensemble et d’unir leurs forces.

Assemblée générale de la CPR-Sierra. Photo : PWS/Acoguate 2019

Pour accompagner cet événement, j’étais en binôme avec une autre volontaire, pour qui c’était son premier accompagnement ; j’avais donc la responsabilité principale et je voulais aussi montrer ce que j’avais appris pendant ma mission. En outre, c’était l’un de mes derniers accompagnements. Par conséquent, mon esprit était déjà intensément occupé à digérer ma mission au Guatemala et à penser à ce qui viendrait ensuite.

Notre rôle en tant qu’accompagnateurs·trices des droits humains

Pendant l’accompagnement, ma collègue et moi étions dans notre rôle typique d’observateurs·trices, toujours un peu en retrait. Cela n’a pas toujours été facile, car l’événement était entouré d’un fort esprit révolutionnaire, qui se reflétait dans les voix des participant·e·s. Une partie de moi aurait aimé se laisser emporter lorsque la parole nous a été donnée pour nous exprimer. Après un instant d’hésitation, je me suis finalement levé pour dire quelque chose. Cependant, il était tout à fait clair que notre mandat ne nous permettait pas de faire des déclarations politiques ou partisanes. Mon discours a donc été plutôt superficiel et vague par rapport aux autres. Je les ai remerciés pour l’invitation et leur ai brièvement expliqué quel était notre rôle en tant qu’accompagnateurs·trices internationaux.

Accompagnement lors de l’Assemblée générale de la CPR-Sierra. Photo : PWS/Acoguate 2019

Je ne saurais trop insister sur l’importance de cette impartialité et du principe de non-ingérence dans l’accompagnement international des droits humains. Pour cela, une analyse complète des différents acteurs impliqués est indispensable avant tout accompagnement et les missions ponctuelles n’ont lieu qu’à la demande des organisations ou des personnes accompagnées.

La situation tendue des droits humains au Guatemala rend plus nécessaire que jamais que des personnes de Suisse puissent continuer à se rendre au Guatemala comme accompagnateurs·trices des droits humains. Les nombreux retours positifs que j’ai reçus de personnes que j’ai accompagnées durant ma mission démontrent que notre travail était apprécié et considéré comme important.